Apprenance en réseau : entre formel et informel (article mis à jour)
Pour Thierry de Baillon,
je cite « il est de plus en plus illusoire de vouloir considérer le
savoir comme étant soit informel, soit formel. Tout morceau de savoir
est paradoxalement à la fois formel et informel ».
J’abonde dans son sens… il me semble
qu’il y a là la dénonciation d’un formatage historique qui consiste à
vouloir dissocier systématiquement dans nos processus d’apprentissage
l’approche formelle, cognitiviste, réflexive de l’approche informelle,
émergente, sociale. D’un point de vue didactique, notre cursus éducatif
vise précisément à séparer les deux approches sous couvert
d’efficacité.
Or il me semble que les Technologies de
l’information et de la communication viennent bousculer radicalement
l’ensemble de ces repères pédagogiques : au travers de leurs usages,
elles nous font redécouvrir une évidence : nous jouons naturellement sur
la complémentarité des niveaux formels et informels, et cela, à la
fois sur le plan individuel et sur le plan collectif !
Les réseaux apprenants comme Apprendre2.0 illustrent d’ailleurs assez bien la fertilité de cette double hybridation formative !
Sur le plan individuel d’abord : Au
travers des actes de la vie quotidienne, chaque acteur crée avec son
environnement une relation privilégiée et authentique induite par un
couplage de lui-même au monde et aux autres. De ce couplage émergent des
informations qui entrent en résonance dans son système sensitif et
neuronal interne : c’est le premier niveau d’apprentissage et de
connaissance que l’on peut qualifier d’informel dans la mesure ou il est
non intentionnel, contextuel et donc relativement déterministe ! (énaction / connexionisme).
Le deuxième niveau d’apprentissage
fait intervenir une forme de recul réflexif sur l’apprentissage de
premier niveau : il s’agit la d’un stade cognitif qui permet de
construire une représentation et une mémoire active de ce que l’on vient
de vivre en acte…c’est une façon d’ancrer l’apprentissage et de
construire le savoir en lui donnant cohérence dans des schèmes de sens.
C’est aussi une façon d’apprendre à apprendre. Ce processus est par
nature formel dans la mesure où il est intentionnel, volontaire et
symbolique ! (cognitivisme ).
A un premier niveau, les membres des réseaux apprenants s’inscrivent dans des actes de conversation de type coopératif…ces actions ne sont pas guidées par une intention opérationnelle, mais par l’envie de partager, d’échanger et d’interagir autour de centres d’intérêts…Au travers de ces processus coopératifs émergent naturellement et de façon informelle des connaissances et du sens commun. (énaction / connexionisme).
Le niveau 2 implique quant à lui des
processus cette fois-ci de type intentionnel et formalisé ! Les membres
du réseau s’organisent par exemple en groupes projet ; ils définissent
un objectif, des moyens, des outils, une organisation, une répartition
des rôles, une forme de régulation pour parvenir à l’objectif. (socioconstructivisme).
Parallèlement les acteurs prennent du
recul collectivement sur ce qu’ils apprennent dans ces formes de
travail coopératif et collaboratif…Ils apprennent à apprendre en
déduisant des invariants et en constituant ainsi des représentations
collectives qui sont autant de savoirs transférables dans d’autres
contextes d’apprentissage…Ils agissent aussi des formes de mémorisation
collective par tagage, catégorisation, archivage ! Tout cela constitue
des formes d’apprentissage formelles, symboliques, actives,
intentionnelles et liées à des processus de métacognition ! (cognitivisme).
Je pourrais de la même manière évoquer les processus identitaires qui accompagnent les changements liés aux apprentissages : ils feraient aussi ressortir une hybridation mêlant formel et informel !
Au final, on repère une sorte
d’attracteur étrange puissant qui croise ce qui relève du déterminisme
et convoque l’informel avec ce qui appelle le libre arbitre et le
formel!
Mais n’est-ce pas la signature de la nature humaine précisément ?
Mais n’est-ce pas la signature de la nature humaine précisément ?
En son temps, Francisco Varela, spécialiste des sciences cognitives formulait l’idée de la manière suivante. Selon lui, «l’émergence subsymbolique et la computation symbolique sont reliées dans une relation de complémentarité (l’une ascendante et l’autre descendante), dans un mode mixte ou encore utilisé à des niveaux ou des stades différents. La relation la plus intéressante serait une relation d’inclusion, où les symboles apparaissent comme une description de plus haut niveau d’un système sous-jacent». (l'inscription corporelle de l'esprit - éditions du Seuil 1993 - p 148)
Sans doute, serions-nous bien inspirés de ne plus l’oublier et de nous en imprégner pour développer des démarches formatives humainement soutenables, tout au long de la vie !... Des démarches qui ne nous réduisent pas à l’état d’homme-machine-esclave !
Sans doute aussi avons-nous besoin
d’accompagner ces dynamiques associant formel et informel car comme je
l’ai déjà souligné, certains formatages scolaires restent très prégnants et
bloquants…il s’agit bien de changer de paradigme et c’est complexe!
From Poietic Generator |
https://web.archive.org/web/20100313192620/http://www.entreprisecollaborative.com/index.php/fr/ecollab/163-apprendre-en-reseau-entre-formel-et-informel |
"I think this vision is a little bit caricatural : There is a kind of formal learning in social network via two processes : the transindividuation (G. Simondon) and the metacognition. The reconciliation is probably already a reality in learning network :-)" http://www.entreprisecollaborative.com/index.php/fr/articles/163-apprendre-en-reseau-entre-formel-et-informel -Comment by florence meichel — 28 May 2012 @ 1:54 am
As I’ve written it on twitter, formal learning has something to do with forms and formalization which means making sense via representations isn’it ? - Comment by florence meichel — 30 May 2012 @ 12:33 am
==>Article cité en référence dans Apprendre2.0 http://apprendre.2point0.org/apprenance-en-reseau-entre-formel-et-informel/
A lire en complément :
- L'apprenance : c'est quoi ? http://florencemeichel.blogspot.co.uk/2008/04/lapprenance-cest-quoi.html
- Piaget et les réseaux apprenants http://florencemeichel.blogspot.co.uk/2010/05/piaget-et-les-reseaux-apprenants.html
- Refounding Legitimacy toward a Global Immune System via Olivier Auber, Ecco chercheur Au Global Brain Institut - Vrije Universiteit Brussel https://www.academia.edu/16621395/Refounding_Legitimacy_Toward_a_Global_Immune_System
MAJ du 21 octobre 2015 : Travail autour des réseaux apprenants cité en 2013 par Denis Cristol, (Directeur de l’ingénierie et des dispositifs de formation du CNFPT), et JP Pinte (Docteur en Information Scientifique et Technique, titulaire d’un DEA en Veille et Intelligence Compétitive) dans un dossier concacré à l'innovation en formation (Chapitre 4 : Quelle valeur et utilité à l’innovation? Séquence 18 : Un pas de plus vers l’apprenance - p.12)
"Florence Meichel (7), Consultante - conférencière et coach dans le domaine de l’éducation 2.0 et la formation 2.0, auteur du site « Apprendre 2.0 » associe le social- learning a un design organisationnel qu’elle appelle les réseaux apprenants.
Pour être efficients, elle précise que « les processus d’apprentissages en jeu doivent intégrer deux dimensions complémentaires : on apprend de ce que l’on fait en en parlant aux autres…et en même temps, on apprend comment on apprend : cela rejoint la notion d’apprendre à apprendre ». De ces deux approches découlent alors des processus d’apprentissage en double boucle, à la fois sur le plan individuel et collectif, qui permettent aux organisations de développer des compétences adaptatives permanentes et pertinentes.
Généralement, un animateur de communauté accompagne ces processus formatifs, l’idéal étant que progressivement les acteurs deviennent à la fois coapprenants et co-formateurs les uns des autres."
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